dimanche 20 juin 2010

Heureux, trop heureux.

Originellement, ce post devait s'intituler: "mais enfin pourquoi se voilent-elles?"
Puis j'ai repensé au cas de cette femme qui avait décidé de se voiler au moment où la vie lui souriait le plus.
Elle avait attendu des années durant d'avoir enfin un enfant, d'acheter enfin sa maison, de pouvoir enfin de permettre mille et une folies. Et au moment où elle a obtenu tout cela, elle s'est voilée.
Jeune et belle, la vie lui sourit à quarante ans passées, elle obtient ce qu'elle n'espérait plus obtenir.
D'une façon générale, le parcours classique de la voilée, c'est ou l'endoctrinement par les amies appuyées par les télévisions satellites arabes et surtout par les hommes qui les entourent et qu'elles convoitent, ou cette fameuse descente aux enfers fantasmagoriques de ce scénario atroce supposé attendre les hommes une fois le pied dans la tombe. Cette seconde catégorie vient essentiellement au voile après un décès douloureux dans leur environnement proche.
J'ai réalisé que dans le cas de la femme dont je vous parlais tantôt, c'est surtout la peur de perdre ce bonheur inespéré qui l'a poussée à porter le voile.
Ce n'est pas tant pour remercier Dieu de lui avoir accordé ce qu'elle désirait que pour lui faire un sacrifice.
Elle a offert à dieu, comme on offrait à Apollon ou à Venus, sa beauté, sa jeunesse.
Prenez ma beauté mon dieu, prenez ma jeunesse, tout ce que je possède prenez-le mais laissez-moi jouir du bonheur que vous m'avez enfin accordé.
Mais s'il y a  dans ce cheminement énormément de souffrance, car cette femme a souffert et pas qu'un peu, avant de voir venir à elle ce bonheur, il n'en est pas de même pour non seulement les filles et femmes voilées dans notre pays, mais pour notre société toute entière.
En définitive, ce qui cause la dérive de notre jeunesse, de notre société, c'est bien cela, ils sont trop heureux.
Imaginez ce pays où les gens ont oublié ce qu'était le militantisme, la souffrance, ce que c'était que de se battre pour obtenir quelque chose.
Regardez cette société où n'importe quel match de foot de la division d'honneur peut ravir des milliers de personnes, regardez les cafés où les bonheurs simples s'affranchissent de toute philosophie de vie pour devenir des bonheurs idiots.
Il y a encore quelques années, la chicha nationale et sa jumelle la chkobba (ou le rami, ou encore la belote) avec deux trois bonnes discussions sur le foot suffisaient à ravir tout le pays.
Une petite bière de temps à autre, ou une bouteille de vin, ou une bonne beuverie constituaient la cerise sur le gâteau.
Mais voilà que peuple heureux, trop heureux, réalisa grâce au waswess khanness de Iqra et compagnie qu'il fallait justement qu'il approfondisse ce bonheur en creusant un peu plus vers le ciel.
Il décida alors de sacrifier un peu de ce bonheur insoutenable (l'expression est empruntée à Ira Levin, du titre de son livre) afin de mieux le mériter.
C'est ainsi qu'entre deux grossièretés au bon vieux café, vinrent s'immiscer entre la première chicha et la troisième chkobba deux paroles d'évangile puisée dans les sources non coraniques mais y ressemblant. Je dis non coraniques car il est rare que nos chichistes et nos ramistes et chkobbistes eussent jamais appris un seul verset coranique. Mais ils défendent ce qu'ils ne connaissent pas avec une virulence extrême, ils y mettent leur honneur, le sang de la belote, les larmes finies du noufi à pari défendant. Non on ne touche pas à la parole sacrée que nul ne connait, n'a lue mais dont on a entendu parler, tel un saint graal que personne ne se fatiguerait à chercher.
On reproche souvent à notre pays de lésiner sur l'information, de prétendre que tout va bien.
Mais en réalité, ce n'est pas une déformation de l'information, tout le monde va bien.
Ils étaient trop heureux, ils ont sacrifié à la mode de la parole divine, ils ont pris de la profondeur, ils méritent leur bonheur, ah cet homme tunisien merveilleusement accompli qui construit sa maison, gagne bien sa vie, vainc au rami et a sincèrement l'intention, dans dix ans, d'abandonner la beuverie et d'aller louer Dieu se déplaçant du fond de sa Tunisie à la superficie de la Mecque, pèlerinage nettoyant, Monsieur Propre Salle de Bain, homme parfait que tu es, toi, qui as tout, travail, foyer, femme au foyer, deux trois versets incomplets et ta revanche au rami, tu la tiens ta vie, ta vie d'homme heureux, trop heureux.

Et les reste est littérature.

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