samedi 3 décembre 2011

Quand ça barde au Bardo

Bonnet noir sur la tête, baskets aux pieds, bombe lacrymo, visage crispé, une horde de voyous en face scandant des slogans haineux.
Non je ne suis pas devenue policière, je suis juste une parmi des centaines, une nuit de semaine au sit in devant l'Assemblée au Bardo.
L'inquiétude, la rage et la colère. Le désespoir, l'impuissance, l'effarement. L'angoisse, la volonté, la détermination.
Ce n'est pas une guerre, ni une bataille, à peine quelque cent cinquante adolescents éméchés dont "on" a payé la caisse de bière de l'après prière du vendredi. Des gamins qui confondent foot et politique, rue et stade et dont les commandeurs et commanditaires se jouent à coups de paquets de cigarettes, d'herbe, de sandwichs.
La Bardo, l'Assemblée. Ce bâtiment devant lequel nous passions indifférents, qui était invisible et qui devient emblématique soudain, comme surgissant dans l'espace en un temps miraculeux.
L'ignorance, la haine, la médiocrité nous encerclent et nous nous y enfonçons comme des sables mouvants.
Des slogans de haine contre ceux qui crient famine, justice, dignité.

Nous sommes un pays où les démocrates de gauche se rallient à l'extrême droite.
Nous sommes un pays où les militants contre une ancienne dictature en cautionnent une nouvelle pourvu qu'elle soit la leur.

Ces mots de Hugo sont les vers de poésie préférés de Bourguiba:

 Si l'on n'est plus que mille, eh ben, j'en suis! Si même
 Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla;
 S'il en demeure dix, je serai le dixième,
 Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là!

S'il n'en reste qu'un, nous serons tous celui-là.

Et le reste est littérature.

vendredi 18 novembre 2011

Les TD de Civilisation


Au sein des facultés, la composition d'un groupe de TD est assez représentative de la composition sociale, du moins des résultats des élections.
Généralement, au premier rang, vous avez 2, 3 si vous êtes bien tombé, étudiants brillants. Bon niveau, bonne culture générale. Ceux-là votent PDP ou PDM.
Au deuxième rang, 5 étudiants, d'une façon générale du coté droit de la salle de cours (je suis sérieuse) et tous les 5 (toutes les 5, en Lettres nous avons surtout des filles) de Sidi Bouzid. Elles votent Aridha.
Deuxième rang, collées les unes aux autres, 4 étudiantes cheveux sous brushing d'une semaine, se prenant pour des rebelles parce qu'elles osent du maquillage mauve turquoise argenté, sont convaincues d'être moins mauvaises que les autres. Elles votent CPR.
Au troisième rang, il y a un seul étudiant, accompagné parfois de l'étudiant qui sèche tout le temps et qui vient une fois par semestre pour avoir une idée sur ce qu'il rate. L'étudiant du milieu de la salle, généralement assez moyen c'est l'hypocrite de service. C'est celui qui vient vous voir à l'approche de la remise des notes en vous disant que vous êtes le meilleur prof de la fac, que votre TD est le seul auquel il assiste et vous balance à la fin "madame sa3edna 3ad fil notet". De toute évidence, il vote Takattol.
Tous ceux qui restent, éparpillés entre la première, deuxième et dernières rangées de la salle sont des êtres relativement quelconques, sans aucun niveau, ne parlant aucune langue, ne maîtrisant ni l'arabe, ni le français et confondent l'anglais avec l'allemand, à 60% de filles voilées et un mec avec une alliance en argent (passée au doigt par une petite amie halal trop jalouse), qui vous regardent d'un regard bovin et font de la résistance à toute forme d'instruction ou d'apprentissage. C'est l'électorat Nahdha. 

Du temps de Ben Ali, lorsque je me hasardais à une séance de "débats" ou que j'obligeais les étudiants à donner une opinion (qu'il n'ont pas) je rentrais chez moi en disant à mes proches "vous savez quoi, heureusement qu'ils ne votent pas!"

Maintenant ils votent.
On a la démocratie qu'on mérite, celle de la génération de Zaba, des Z'abrutis.

Et le reste est littérature.

mercredi 12 octobre 2011

Etoile, étoiles.

Parce que nous ne pouvions même pas rêver d'afficher nos positions, savourons aujourd'hui nos différences, l'existence de choix politiques, la mise en avant d'idéaux, nos rêves de justice, nos désirs d'avenir, la liberté retrouvée, liberté exprimée.


J'ai fait mon choix.
Faites le vôtre et criez-le haut et fort.

Tant que nous pouvons encore crier nos choix et nos pensées haut et fort et pour que nous puissions continuer à le faire, VOTEZ.

Et le reste est littérature.

dimanche 2 octobre 2011

Le prix Nobel des cons.


Je reproduis ici l'édito de Mehdi Ahmadi pour l'émission Esprits Rebelles du 30/09/2011, avec son autorisation.

Avec tous les événements que vit le pays, le contexte, on trouve toujours le moyen de polémiquer sur du n'importe quoi ! Aux dernières dépêches, le génie de la foule a levé les boucliers, préparé  arcs et flèches, brandi les épées contre une fille ayant un piercing au nez, parce qu'elle est  candidate au Prix Nobel de la Paix. A voir les commentaires belliqueux, les langues de vipères et les réactions envenimées, il y a vraiment lieu de se demander si certains font la différence entre Prix Nobel de la Paix et Prix Nobel du pet de lapin, et pour confondre, il faut vraiment être Con.

Mais qu'est ce qu'un Con ? « Anomalie dans le processus de l'évolution de l'espèce » selon mon dictionnaire des gros mots, organe extraordinaire selon Verlaine, qui l'a chanté, divinisé, le Con s'est vu réduire par la suite à une insulte de bas étage. Dans notre contexte actuel, le con confondrait par exemple l'eau de rose avec le vitriol, pour arroser les personnes qu'il aime. Le con doit penser que les horloges ont été inventées pour servir de détonateurs de bombes. Le con peut faire des études de philosophie et s'accrocher par la suite à une fatalité céleste, le con aussi, boycotte les lames de rasoir pour une raison qui lui est mystérieuse... et comble de l'histoire, le con, pourtant organe féminin, a une dent contre les femmes ! Au delà, il y a des cons qui se sont cachés toute leur vie et qui ont balancé leur habits pour devenir nudistes en plein janvier, le con confond aussi le dernier suicide avant le réveillon et le premier martyr d'une révolution, le con passe son temps à se chercher des faire valoir, oubliant que c'est avec sa propre intelligence qu'il juge, le con est allergique au soleil, parce qu'incapable de laisser un rayon de lumière le pénétrer, le con est cupide, jaloux, mauvais, et très... étroit d'esprit.

Alors, que reproche-t-on à Lina ? Un piercing pas très catholique ? Ou justement trop catholique ? Parce qu'il y a une grande différence entre un tatouage (même traditionnel de chez nous) et un piercing ? Le fait qu'elle ne soit pas perforée de balles, 6 pieds sous terre, pour mériter une consécration, parce qu'un Nobel est posthume ? Comme les toiles des grands maîtres ? Parce que Blogueuse ? Trop peu pour un Nobel ? Si je me rappelle bien, nous sommes au 21ème siècle, une blogueuse devrait être assimilée à une activiste des années 60 distribuant des tracs en Tchécoslovaquie, pourquoi la première serait regardée de haut alors que la deuxième mériterait les honneurs ? Lina, je ne la connais pas, il est vrai que pour une prof d'anglais, elle n'a pas l'accent d'une londonienne, et qu'elle ne pourrait pas chanter une belle reprise de « Sometimes I Feel Like A Motherless Child », mais il y a ceux qui ont moisi à Londres sans améliorer leur accent, ni leur mentalité. Elle a milité, avec les moyens que lui offre son époque, elle a couvert l’événement du siècle dans son pays, alors que d'autres attendaient et commentaient dans les salons, elle est passée dans les médias, elle a affronté des ogres, encore debout.

Depuis 1928 avec Charles Jules Henri Nicolle, tunisien d’adoption, la Tunisie n'a pas connu un Nobel, mais Lina ne fait pas le poids... pour ses con-patriotes...

Les sorties de la semaine de disques sont reportées à la semaine prochaine, Esprits Rebelles du 30/09/2011 sera consacrée exclusivement aux femmes, que des titres écrits et composés par des femmes, et vu que le lendemain, c'est le délai de rigueur pour faire profil bas côté politique pour les médias, je profite des 5 dernières minutes pour dire pour qui je vais voter. Je vote Femmes !

Bonne émission, Mesdames, Mesdemoiselles

Et le reste est littérature.

dimanche 31 juillet 2011

Sortons de notre bulle.

La révolution de la dignité, faite pour réclamer une vie décente.
 Le nerf de la guerre est là, il y a des gens qui ont faim, des gens qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts, des gens qui doivent choisir entre le lait et le pain; ces gens-là Ennahdha va vers eux directement. Ils sont prêts à monnayer leur voix parce que leurs besoins immédiats font qu'ils ne vont pas pousser la réflexion. Qui ici sait-il ce que c'est que d'avoir faim, d'avoir froid, de ne pas pouvoir donner un crouton de pain à son gosse, de ne pas pouvoir lui acheter un médicament quand il est malade? Qui sait ce que c'est de ne pouvoir dormir la nuit parce que el 3attar lui a demandé de payer son kridi de 13 dinars. Il y a une Tunisie que les partis oublient dans leurs programmes et dans leurs discours. Et c'est avec ça que nahdha peut conquérir des voix.
Nous pourrons crier au loup tant que nous voudrons, organiser des marches pour la liberté d'expression, contre la violence; cela ne remplira pas les ventres vides, ce sont des combats que les gens qui tentent de survivre ne peuvent pas comprendre. Un ventre qui gargouille ne cherche pas à exprimer d'opinion mais un besoin. Si nous voulons protéger la fragile liberté, nous devons sortir de notre bulle. Nous donnons l'impression d'être des bourgeois intellos qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ben Ali a tenu le pays de deux façons: via le réseau impressionnant du RCD il a réussi à viser ceux qui avaient faim, avec tous les travers que nous connaissons, le super pouvoir des mo3tamdin et compagnie, le léchage de bottes systématique, la mentalité opportuniste, etc et par la peur, la peur du policier, la peur de la torture, de la prison, du fisc vengeur. Certains disent que Nahdha est entrain de récupérer les réseaux du RCD, en tous cas, ils ont récupéré ses méthodes, ils remplissent les ventres. Combien d'entre nous ont entendu une femme de ménage, un gardien dire qu'il regrettait Ben Ali? Les gens simples voient que sous Ben Ali il mangeaient, ils vivaient en sécurité. L'autre jour, notre femme de ménage m'a dit "je ne savais pas qu'il nous volait, mais au moins nous vivions normalement, maintenant tout le monde nous vole, je ne peux plus rien acheter, les fruits et légumes sont hors de prix, la viande aussi, mon fils ne vend plus rien parce que des marchands ambulants sont devant sa boutique, je ne vois pas en quoi il était mauvais Ben Ali."
La réponse que donne ennahdha à ces gens-là:" El bled yelzemha wa7ed y5af rabbi."
Que nous le voulions ou pas, Nahdha a tout compris au tunisien moyen, comme Ben Ali, elle va entendre les ventres affamés et leur donner à manger, les aider à se marier, etc. Et comme Ben Ali, elle a compris que le tunisien se gouverne par la peur, alors elle n'hésite pas et de la peur elle en sert à la carte! Aux gens simples elle utilise la peur de Dieu, si vous ne votez pas pour nous, c'est que vous êtes contre l'islam. Aux commerçants, c'est la peur de la violence: si vous ouvrez pendant ramadan, nous attaquons vos cafés et restaurants; si vous vendez de l'alcool, nous lâcherons nos chiens sur vous. Aux femmes qui travaillent ils viennent les coller dans le bus et les menacent: si tu ne reste pas chez toi, je vais te tuer; si tu ne portes pas le hihan, je vais te lacérer le visage, etc. Aux intellectuels, si vous vous exprimez, nous brulerons cinema et librairies;si vous faites trop de bruit, nous ferons une campagne de diffamation sur internet.  Aux politiciens: si vous ne nous soutenez pas, nous diront que vous êtes des anciens de Ben Ali, que vous étiez la fausse opposition. Et ainsi va le monde chez Nahdha.
Et les gens, en majorité s'exécutent, les commerçants préfèrent fermer, les femmes se couvrent, etc.
Le ventre (au sens large) et la peur. Zaba a duré 23 ans avec ça et toute sa famille a terrorisé les gens et bien rares sont ceux qui ont osé s'opposer (en restant en Tunisie parce que militer de l'étranger, c'est un peu trop facile et confortable). Ajoutez a cela la donnée Dieu et vous verrez pourquoi Nahdha est sure d'elle. Ils ne vont pas gagner les élections qui viennent, c'est probable mais si les partis politiques continuent dans leur léthargie et dans des discours et actions qui ne touchent pas tunisien moyen, dans 5 ans, 10 ans, nous serons, nous, intellos embourgeoisés entrain de faire la queue devant les ambassades et les plus téméraires, seront dans les fameuses caves à se faire convertir billati hiya a7san par un barbu mal intentionné.

Ceux qui sont morts sous les balles de la police de Zaba étaient sortis dans la rue pour réclamer du travail,de la dignité.
D'un coté maintenant nous avons ceux qui sortent dans la rue pour réclamer la laïcité et de l'autre ceux qui sortent pour réclamer l'instauration de la charia. Qui est sorti pur réclamer que les véritables objectifs des gens affamés et de ceux qui sont morts soient réalisés?
Et pourquoi pas une marche pour dire que dans notre inquiétude pour notre liberté d'expression nous n'avons pas oublié les gens qui ont peur de ne pas pouvoir manger demain?
Quelle image donne Nahdha de ces marches?
Parce que ce que nous avons tendance à oublier, c'est que Nahdha a un système de communication infaillible. Tout d'abord, le syndicat de la fameuse Wataniya est nahdhaoui, bientôt, elle s'appellera Islamya. D'autres part, encore une fois, Nahdha exploite l'une des traditions de la société tunisienne: la rumeur, le on dit que. Le tunisien prend ses informations dans le café du coin, il ne les vérifie pas, les prends pour acquises et admises. Il te dira avec conviction: " ya weldi illi 9alli ma yekthebch"
Vous avez beau faire toutes les affiches du monde, des spots radio, si vous n'avez pas des "agents" dans les cafés et les quartiers populaires ou même dans les cafés des quartiers huppés ou moyens,vous n'avez rien. Prenez une personne qui voit une affiche du Takatol, elle en parle dans le café, et quelqu'un lui dit "a5tak ya weldi rahom jme3a koffar, tab3in ezzine, 3arfhom ma5ou weld Bent 3am wa7ed mil trabelsiya"  etc. Qui ira vérifier?
Cessons de crier au loup entre nous, de poster des caricatures et des articles comme celui-ci en croyant que nous sommes entrain de militer et que nous n'avons pas à avoir peur. Les choses ne se jouent pas aujourd'hui mais sur les années à venir.
Je suis en colère contre les partis politiques qui sont entrain de tirer le drap chacun de son coté et ont tous oublié bien vite que la priorité ce ne sont pas les élections, la priorité c'est le Tunisien. Le PDP qui veut faire cavalier seul, Chebbi qui risque de regretter bien fort de pêcher par excès de confiance; Marzouki qui vend son âme au diable;ils font tous les choux gras de Nahdha et participent à asseoir sa notoriété.
Je cherche depuis le 14 janvier auprès de quel parti je vais m'engager, je veux agir. Aucun parti ne me semble convaincant, aucun ne me semble se soucier tellement du pays. Je ne suis pas naïve, je sais bien qu'en politique on ne pense qu'au pouvoir. Mais nous vivons des moments exceptionnels, le monde nous regarde. Nous allons devenir un exemple, ne devenons pas le mauvais exemple.
Aux apprentis politiciens, pour l'amour de la Tunisie ne tentez pas de conquérir le pouvoir maintenant, faites votre apprentissage de la politique dans les années à venir. Si vous continuez comme cela, vous redeviendrez bien vite une opposition de l'ombre à l'ombre des islamistes. Et pourtant nous les savons, le tunisien est un bon vivant, le tunisien n'est pas fait pour vivre dans un système islamiste. Mais nous le savons aussi, le tunisien est paradoxal et il est toujours à la poursuite de son intérêt. Peu importe la vérité pour lui, il n'aime que la vérité qui l'arrange et cette vérité là, les innombrables militants de Nahdha est entrain de la construire jour après jour et ils ont du souffle ces gens-là car leur amour du pouvoir est plus grand que leur amour pour Dieu.

Et je vais finir sur une note par très classe et j'assume.
On était tenus par une hajjema et maintenant les politiciens yet3almou fil 7jema fi rouss il ytema. Brabbi changez de modèle. Yezzina mil 7jema, apprenez à aimer et à servir un pays.

Et le reste est littérature.

mercredi 20 juillet 2011

La Tunisie mérite notre voix.

Vous êtes-vous inscrit sur les listes électorales?

Seul le VOTE permet de sauver la Tunisie et nous permettra de choisir notre avenir.

Inscrivez-vous!

Le reste est littérature....

lundi 4 juillet 2011

Dichotomies

Coluche disait à propos de mai 68 "la guerre" puis il se ravisait et corrigeait "ah non, on ne dit pas la guerre quand c'est les Français contre les Français!! On dit les évènements"
Ce qui semble s'initier depuis quelque temps en Tunisie, ce sont des évènements semblables à une guerre civile virtuelle qui se mène en particulier sur Internet entre ceux qui sont plus musulmans que l'Islam lui-même et ceux qui sont plus laïques que la laïcité elle-même.
Pour les premiers, les seconds sont des athées franc-maçons païens qu'il faut éradiquer et qui menacent le salut divin lui-même et pour les seconds les premiers sont des barbares sanguinaires ignorants
 qui menacent la sécurité nationale, internationale et l'avenir de ses enfants.
Et pourtant nul n'ignore que musulman ne veut pas dire forcément islamiste et que les musulmans eux-mêmes sont si variés, si différents que c'est ce qui constitue toute leur richesse et notre espoir.
Combien connaissons-nous de musulmans qui jeunent mais ne prient pas, ou qui prient mais ne jeunent pas, ou qui jeunent un jour sur deux, ou qui ne prient ni ne jeunent, ou qui prient mais boivent de l'alcool, ou qui boivent de l'alcool mais ne mangent pas de porc, ou boivent de l'alcool, mangent du porc, font la prière mais ne jeunent pas, ou mangent du porc mais ne boivent pas d'alcool, ou qui ont des rapports sexuels hors mariage mais font leur prière, ou qui trompent leur époux/épouse mais condamnent la rapports sexuels avant le mariage, etc.
Et combien ces laïques sont eux-mêmes divers! Combien d'entre eux sont voilées, combien sont laïques mais prient et font le ramadan, combien vont féliciter avec chaleur ceux qui rentrent de la Mecque, combien ponctuent leurs phrases à coup d'inchallah, si Dieu veut et ya rasoul allah, qui récitent al fatiha à un enterrement, combien qui refusent de la réciter à un mariage ou autre, combien qui sont laïques et athées, combien qui sont profondément croyants et laïques. Combien de ces laïques récite une sourate au sursaut d'un cauchemar au milieu de la nuit?
Pourquoi fonctionnons-nous alors systématiquement en dichotomies. Pourquoi celui qui n'est pas avec moi est-il forcément contre moi? Pourquoi la vérité chez nous n'est supposée avoir qu'une seule facette, qu'une seule version, pourquoi manquons-nous à ce point d'ouverture d'esprit TOUS autant que nous sommes, laïques, athées, musulmans, pratiquants, islamistes que nous refusons d'envisager, ne serait-ce qu'un moment qu'il existe plusieurs données à un incident, à un évènement? Pourquoi crions-nous au loup dès qu'un barbu pointe sa barbe et qu'un laïque arbore ses doutes?
L'incident, grave certes, de l'Africart, nous apprend pourtant beaucoup. Voici une salle de cinéma dont les spectateurs sont aussi divers que l'est notre société, intellectuels, femmes voilées, athées, laïques, artistes, cinéastes, etc. et qui s'apprête à regarder un film polémique dans un même objectif de départ: découvrir ce film polémique. Et voici arrivée une cinquantaine de personnes, autour d'une même idée aussi: empêcher ce film polémique d'être projeté et autour de cette même idée, ils sont variés, barbus, voilées, jeunes en maillot de foot, etc.
Qu'en dira-ton plus tard? Les islamistes ont attaqué la salle, c'est la première version. La seconde version: ce ne sont pas les islamistes, c'est la police politique.
Pourquoi oublier que la société tunisienne est diversifiée, que l'individu lui-même est compliqué, que les gens les plus modernes et ouverts se sont exprimés contre ce film et que les personnes les plus pratiquantes et les plus pieuses n'y ont vu qu'une expression d'un point de vue personnel? Pourquoi mettre tout le monde dans un même sac, pourquoi inculper ou disculper.
Parmi les assaillants, il y avait des islamistes convaincus et violents, il y avait des jeunes désœuvrés payés pour participer à l'offensive, il y avait des personnes (la plupart certainement) à qui on a expliqué que certaines personnes voulaient que la Tunisie cesse d'être un pays musulman et qui y ont cru et dans la naïveté de leur foi se sont investis de la mission de protéger leur religion, il y avait aussi des membres de la police, peut-être même sont-ils les scénaristes de ces incident. Qui le saura? Le saura-t-on un jour, enfin, ce qui s'est réellement passé ce jour-là?
Ce n'est pas parce qu'une cinquantaine de personne a attaqué un cinéma que la société toute entière est islamiste. Une minorité violente est toujours un danger et un grand danger car il suffit d'un meurtrier présent dans une salle de deux cent personnes pour le danger soit réel, mais si ce meurtrier tente d'agir, à peine aura-t-il approché sa première victime qu'au moins une vingtaine sur ces deux cent viendra l'en empêcher.

Le 25 octobre 1988, la salle de cinéma Le Saint Michel avait été attaquée et incendiée et quatorze personnes ont été blessées par un groupe d'extrême droite qui a voulu empêcher la projection du film de Martin Scorcsese La dernière tentation du Christ et ça ne se passait ni en Iran, ni en Egypte, ni en Arabie, mais à PARIS, en France, LE pays de la laïcité.
Les intégrismes sont aussi dangereux où qu'ils soient, aussi stupides et aussi violents et quelle que soit l'idéologie qu'ils défendent. Mais ceux-là même que l'on appelle intégristes sont dangereux par
la peur qu'ils nous inspirent les uns des autres, bien plus que par leur nombre, souvent restreint et leurs actions, inquiétantes mais toujours isolées.
J'ai réalisé il y a peu de temps, que dès que je voyais un femme ou une fille voilée, un sentiment de dégout, de colère montait en moi. Et j'avais décidé d'assumer cette intolérance car j'avais estimé que j'étais intolérante à l'intolérance.
Mais il est toujours facile de se donner le plus beau rôle, de justifier sa propre haine par la haine que l'on suppose chez les autres.
Dans leur écrasante majorité, les tunisiens sont ouverts, tolérants et se laissent libres de choix de vie, de choix de pratique religieuse. La preuve est ces milliers de personnes qui ont déserté les mosquées quand celles-ci ont été prises d'assaut par les Nahdhaouis et compagnie.
Il y a encore peu de temps, le vendredi quand je passais près d'une mosquée, je pestiférais contre tous ces "islamistes" qui bloquent les rues avec leur voitures sans respect pour les riverains ni pour personne pour aller prier et je me disais, le jour où les intégristes vont vouloir prendre le pouvoir, ils ont déjà une grande base populaire, cela se voit rien qu'aux moquées. Depuis quelques semaines, les vendredis ces rues sont devenues vides, seules quelques voitures sont garées. Ces gens que j'insultais à chaque fois ce sont avérés être plus intelligents que moi certainement bien plus que les intégristes qui ont cru, à tort, comme moi, que les tunisiens pratiquants leur étaient acquis. Il a suffit que les intégristes pointent le bout de leur nez et de leur bêtise dans les mosquées pour que les gens les désertent.
Ce que les système de Ben Ali a enraciné en nous, c'est le système binaire. Celui qui n'est pas avec moi est contre moi. Ou tu es pro Ben Ali ou tu es contre lui, ou tu es islamiste ou tu es contre l'islam, ou tu es laïque ou tu es pro islamiste, si tu fais la prière, tu es opposant, si tu ne détestes pas Ben Ali, tu es un lèche cul.
Après les 14 janvier, nous avons continué: si tu n'es pas pour la dissolution du RCD, tu es pro RCD et tu en fais partie et tu as quelques chose à te reprocher, si tu fais la prière, tu es pro Nahdha, si tu défends la liberté d'expression, tu es un occidentalisé, si tu es anti Nahdha, tu n'es pas musulman, si tu ne pleures pas en entendant Sidi Bouzid, tu es un anti révolutionnaire, et surtout si tu n'es pas d'accord avec moi, tu es le dernier des idiots et tu n'as rien compris.
Dieu lui-même s'est donné des centaines d'attributs, il s'est dit Un et unique mais aux multiples aspects. Il est à la fois terrible et clément, il est vengeur et miséricordieux. Dans la Sourate Rahmane il est dit "kol yawm w howa fi chaane" {كل يوم هو في شأن}, le plus souvent on explique ce verset par le fait que Dieu soit occupé à mille choses à la fois mais les soufis expliquent ce verset par le fait que le croyant perçoit Dieu de façon différente chaque jour. Car l'être humain est changeant et complexe, son rapport au divin n'est pas constant et varie en fonction de son humeur, des circonstances, de sa maturité, son intellect, ses expériences, etc.
Rien n'est définitif, rien n'est constant, rien n'est éternel.
Combien de fois avons-nous changé d'avis, combien de fois avons-nous été étonnés de notre propre façon de penser, de notre évolution et de certaines de nos réactions?
La dictature et la mentalité de la délation nous ont appris à vivre les uns contre les autres et le départ de Ben Ali, la dissolution du RCD, les procès spectacles pour débiles profonds de l'ancien président et sa cour n'ont pas changé la donne mais l'ont aggravée.
Si nous ratons un rendez-vous avec l'Histoire avec cette fragile Révolution du Jasmin, ce ne sera ni à cause des islamistes, ni à cause des laïques, ni des franc-maçons, ni des athées, ni des amoureux de la bsissa au Japon, ça sera parce que nous ne savons faire que dans l'exclusion et l'exclusivité. Nous n'avions pas besoin d'exclure tel ou tel des élections ou de la vie politique parce que tout simplement celui qui a les moyens de manipuler l'opinion et les élections peut le faire et en profiter sans se présenter. Nous n'avons pas besoin d'exclure la laïcité au nom de l'islam ou les traditions musulmanes du pays au nom de la laïcité parce que c'est une opposition qui n'existe pas de fait dans notre pays; l'exception culturelle tunisienne est justement dans l'aspect protéiforme de sa société.
Ce n'est pas tant le danger islamiste qui m'inquiète que les répercussions d'un tel débat. Le tunisien moyen, sans aucune condescendance ni connotation péjorative dans cette expression, n'a pas l'habitude qu'on lui demande de décider s'il est musulman ou pas, il se considère musulman même s'il boit, même s'il ne fait pas la prière; on ne peut pas le placer entre le marteau et l'enclume où on lui dit que s'il n'est pas laïque il est islamiste et il perdra tous ses droits et que s'il n'est pas islamiste il est athée et il encourage les "koffar". Pourquoi poser un problème existentiel aux gens, qui, dans leur majorité écrasante, ne demandent qu'à vivre tranquillement, dignement, avec un travail décent, un pouvoir d'achat honorable, un bon rire durant les soirées ramadanesques et une liesse pour un match de foot.
Le seul véritable combat que nous devrions mener, et qu'il ne soit pas mené au nom de la laïcité qui pose un problème de conscience aux gens quant à leur identité religieuse, c'est celui de l'identité tunisienne, c'est la préservation de ce qu'il y a de meilleur dans le modèle social tunisien, la richesse de sa diversité, la spontanéité des rapports entre buveurs de vin et adeptes de la prière du vendredi.
La véritable intelligence des islamistes est de poser la question de l'identité religieuse aux gens, en leur disant "si tu es musulman, tu es forcément avec nous, parce que Dieu est avec nous"; en opposant systématiquement la laïcité à la menace islamiste, on ne fait que tomber dans le piège islamiste, on ajoute de l'eau à leur moulin. Parce que tout le monde sait ce que Islam veut dire mais bien rares sont ceux qui comprennent le terme 3elmaniya, laïcité. Et tenter d'expliquer ce terme est une erreur "stratégique" puisque les islamistes seront là avec une banderole simple qui contient el chahada pour prouver que la laïcité est contre l'Islam et certaines images sont bien plus puissantes que tous les discours.
Ces milliers d'hommes et de femmes qui ont déserté les mosquées quand les islamistes les ont investies, je leur fais confiance et je les remercie car ils m'ont donné une leçon et m'ont redonné un brin d'optimisme, ces gens-là ne sont pas dupes, pas plus que l'écrasante majorité des gens qui ne voudront jamais voir le drapeau de leur pays remplacé par un autre. Ce qui compte pour la majorité des tunisiens, c'est que la Tunisie reste la Tunisie mais sans Ben Ali.
Parce que les Tunisiens restent les Tunisiens.

Et le reste est littérature.


lundi 6 juin 2011

Des camps et des visages.

Liberté d'expression.

de gueuler, d'insulter, de brailler, de diffamer, d'incendier,

Liberté de culte

liberté de réprimer, de couper, de tuer, de menacer, de censurer,

Liberté d'expression, liberté de culte

Expression de liberté
Expression de culte
qui vous bouffe, vous étouffe, inculte, occulte.

Avant on disait, "chut, ne parle pas de Ben Ali, on pourrait t'enfermer, te torturer!"; maintenant c'est "chut, ne parle pas des islamistes, ils pourraient t'attaquer, te vitrioler, t'agresser, te ficher"

La peur n'a pas changé de camp en Tunisie, elle a changé de visage.

Et le reste est littérature.

mercredi 6 avril 2011

R de N

Lorsqu'on enseigne le romantisme, on en explique notamment l'émergence par les conquêtes de Napoléon Bonaparte. Les sentiments exaltés qui fondent le romantisme  touchent à tous les domaines. Exaltation devant la beauté de la nature, devant Dieu, devant la chrétienté, devant la mort, l'amour; devant la patrie. Car 10 ans après la Révolution française, Napoléon a redonné goût à l'amour exalté de la Patrie par ses victoires successives.
Je ne sais pas si la Tunisie peut tenir 10 ans à coup d'immobilisme économique et de règlement de comptes. Je ne sais pas si la Révolution Française aurait pu survivre à un Hamma Hammemi ou à un Rached Ghannouchi ou à Jrad et l'UGTT.
Et j'ignore encore si nous aurons un gouvernement qui nous comblera de victoires non pas militaires mais scientifiques, économiques, sociales; surtout, je me demande si de tels hommes et femmes existaient, est-ce que le peuple souverain les laisserait faire...
Je dis cela non parce que je sous-estimerais ce peuple qui s'est libéré du joug de son oppresseur mais parce que je ne peux faire confiance à cette minorité qui n'a jamais autant occupé les espaces, les usines, les esprits, la presse, les médias et nos cauchemars que maintenant.
Je pense à cette minorité à la violence aveugle et insensée. Quelque soit son bord politique, son idéologie -si elle en a- sa région, ses revendications, ses discours.
Et puis d'un autre coté, les autres, les passionnés. Avides de libertés, de progrès, d'expressivité. Les autres en petits cercles comme des salons littéraires d'un autre âge; qui discutent entre eux. Et ils sont si nombreux. Nous sommes si nombreux que je m'en veux à moi-même. Nous nous prêchons entre nous, entre convaincus. Or le véritable combat ne se fera pas dans des marches qui réunissent des personnes déjà convaincues mais par une union solide et constructive, réelle, concrète, loin des beaux discours. Pourquoi ces petits cercles ne constitueraient-ils pas enfin une gigantesque sphère qui ne manifeste pas entre elle pour se conforter dans ses propres convictions.
De l'autre coté de la rue, la concierge épie les gens, propage les rumeurs, monte les gens les uns contre les autres; crée des listes de cibles à abattre et nous plonge dans une nouvelle ère de haine.
Il semblerait que pendant que certains assassinent la Tunisie, d'autres les regardent en débattant avec passion des détails du crime.

La Tunisie est entrain d'être assassinée d'un crime passionnel avec une presse à scandales qui en fait ses choux gras parce qu'elle ne sait pas faire d'autre journalisme.

Passionnel ou pas, le crime est là. Et nous en sommes les témoins.
L'ère du changement, l'ère du renversement, ère des passions, ère de la haine.

Il serait temps de voir tourner un petit air de raison.

Et les reste est littérature.

mardi 8 février 2011

Tristesses engagées, dégagées.

Le nouveau Ministre du Tourisme, Monsieur Slim Chaker, vient d'exprimer, avec une sincérité déroutante, sa tristesse quant à l'attitude malveillante, agressive et du reste, humiliante de ceux qui ont profité de son ouverture d'esprit pour lui montrer la fermeture des leurs. (http://www.facebook.com/video/video.php?v=455545743238#!/note.php?note_id=185139534859870&id=100002002154987)

Je suis profondément navrée pour Monsieur Chaker.
Et il n'est pas le seul à être triste.

Nous sommes nombreux à être très inquiets de voir l'anarchie qui règne, la facilité avec laquelle on insulte les gens, avec laquelle on diffame, on rabaisse et la rapidité avec laquelle des actes si méprisables sont "partagés" via les réseaux sociaux par toutes ces personnes instruites ou non, bien intentionnées ou non qui ne réfléchissent pas, qui suivent le mouvement, un mouvement irrationnel et dont la passion n'excuse pas les dégâts, l'horreur, la tristesse dans laquelle elle plonge les gens, pas seulement ceux qui sont visés, à tort, mais tous ceux qui ont envie de croire en une Tunisie exemplaire.
Des gens de l'expérience et du talent de Monsieur Chaker ou d'Elyès Jouini font honneur à la Tunisie.

Les hordes qui dans un accès d'hystérie collective ne cessent de hurler "moi moi moi" n'ont, pour moi, aucune excuse, aucun prétexte, ni le besoin, ni la frustration, ni la faim de cette maudite liberté d'expression que l'on a fini par assimiler à la liberté d'insulte ne justifient que l'on s'en prenne à ceux qui essaient de construire, non pas une entreprise, ni une société mais un pays tout entier mis à mal par ses pilleurs, les anciens et les nouveaux.
Quel courage et quel acharnement faut-il avoir pour continuer à avoir envie de rester en Tunisie et aider à la reconstruire.

Certaines s'engagent, d'autres enragent.
Et que veulent-ils?
Dégage?
Des gages que la Tunisie est entre de bonnes mains sont les CV de ceux qui veulent la servir.
A défaut de leur accorder notre confiance, accordons-leur au moins le bénéfice du doute et une chance de nous montrer leur savoir-faire.
Et à ceux qui ne savent ni attendre, ni espérer, ni observer; ni travailler; ayez l'obligeance au moins, de faire preuve d'un minimum de respect.

Le respect, c'est ce que l'ancien système n'a jamais su vous accorder.

Montrez que vous le méritez.

Certains ont commencé à travailler.

Et le reste est littérature.

mardi 25 janvier 2011

Le silence est le plus grand des...

Je me souviens, qu'il y a deux ou trois mois, j'avais commencé un article qui devait avoir la forme d'un conte et qui parlait de la Tunisie. J'ai quelques ébauches de notes jamais publiées encore dans mes archives; ce conte s'appelait "Les larmes de Laverte" et parlait d'une mère trahie par ses enfants.

Bien entendu, la peur au ventre, je ne l'ai pas écrit ce conte, je l'ai à peine commencé, je savais que je n'aurais pas le courage de le publier et j'ai abandonné.

Alors contrairement à d'autres, ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer à parler, ni à juger, ni à donner des leçons sur la démocratie, je ne vais pas verser dans la démagogie, ni pointer les autres du doigt, ou analyser la situation.

Il y a un mois, l'ouvrir c'était faire preuve de courage, aujourd'hui c'est faire preuve d'opportunisme.

Parce qu' observer avec fierté une minute de silence est une insulte à ceux qui sont tombés pour décrier des années de mutisme effarouché.

Dans le chaos de la cacophonie de ceux qui ont trop à dire et tout à apprendre, je vais observer.
Observer le silence.

Le silence, lui, sait parfaitement dire deux choses:
ou le mépris
ou le respect.

Et le reste est littérature.