mardi 29 juin 2010

Voluptés du mensonge

Le mensonge.
Mon ennemi juré, ce que je déteste le plus, l'horreur, la bassesse.
Il n'y a rien au monde que je déteste autant que le mensonge, c'est l'antichambre de la trahison, c'est une humiliation sournoise de l'autre, le mensonge est ce par quoi toute la bassesse du monde commence, c'est le fondement même du mal que l'on peut faire à l'autre.

Je ne prétends pas n'avoir jamais menti, je n'en suis pas fière, il y a derrière ces mensonges, aussi petits fussent-ils ma propre bassesse, ma lâcheté, je me console en me disant que j'ai très peu menti, que je n'ai jamais trahi, ces mensonges me font mal tout de même et si je devais croire en l'existence d'une quelconque balance au sein de laquelle s'entasseraient nos actions, je pense que ces mensonges sont ce qui la fera chavirer, aussi petits soient-ils, aussi insignifiants, je ne suis pas moi-même quand je mens, avant même de trahir l'autre, je me trahis moi.

Mais je découvre avec l'âge et avec effarement que non seulement tout le monde ment mais qu'en plus tout le monde est fier de mentir. De cette lâcheté qu'on appelle mensonge, ils tirent de la grandeur, une forme de supériorité, un bien-être même.
C'est leur façon d'être, un mode de vie.
Leur volupté, leur érotisme, leur sex appeal.

Se rendent-ils seulement compte de la blessure causée à l'autre quand il découvre avoir été abusé? Peut-être en éprouvent-ils du plaisir?

Voluptueux mensonge, une douleur dans le plaisir.

Et le reste est littérature.

dimanche 20 juin 2010

Heureux, trop heureux.

Originellement, ce post devait s'intituler: "mais enfin pourquoi se voilent-elles?"
Puis j'ai repensé au cas de cette femme qui avait décidé de se voiler au moment où la vie lui souriait le plus.
Elle avait attendu des années durant d'avoir enfin un enfant, d'acheter enfin sa maison, de pouvoir enfin de permettre mille et une folies. Et au moment où elle a obtenu tout cela, elle s'est voilée.
Jeune et belle, la vie lui sourit à quarante ans passées, elle obtient ce qu'elle n'espérait plus obtenir.
D'une façon générale, le parcours classique de la voilée, c'est ou l'endoctrinement par les amies appuyées par les télévisions satellites arabes et surtout par les hommes qui les entourent et qu'elles convoitent, ou cette fameuse descente aux enfers fantasmagoriques de ce scénario atroce supposé attendre les hommes une fois le pied dans la tombe. Cette seconde catégorie vient essentiellement au voile après un décès douloureux dans leur environnement proche.
J'ai réalisé que dans le cas de la femme dont je vous parlais tantôt, c'est surtout la peur de perdre ce bonheur inespéré qui l'a poussée à porter le voile.
Ce n'est pas tant pour remercier Dieu de lui avoir accordé ce qu'elle désirait que pour lui faire un sacrifice.
Elle a offert à dieu, comme on offrait à Apollon ou à Venus, sa beauté, sa jeunesse.
Prenez ma beauté mon dieu, prenez ma jeunesse, tout ce que je possède prenez-le mais laissez-moi jouir du bonheur que vous m'avez enfin accordé.
Mais s'il y a  dans ce cheminement énormément de souffrance, car cette femme a souffert et pas qu'un peu, avant de voir venir à elle ce bonheur, il n'en est pas de même pour non seulement les filles et femmes voilées dans notre pays, mais pour notre société toute entière.
En définitive, ce qui cause la dérive de notre jeunesse, de notre société, c'est bien cela, ils sont trop heureux.
Imaginez ce pays où les gens ont oublié ce qu'était le militantisme, la souffrance, ce que c'était que de se battre pour obtenir quelque chose.
Regardez cette société où n'importe quel match de foot de la division d'honneur peut ravir des milliers de personnes, regardez les cafés où les bonheurs simples s'affranchissent de toute philosophie de vie pour devenir des bonheurs idiots.
Il y a encore quelques années, la chicha nationale et sa jumelle la chkobba (ou le rami, ou encore la belote) avec deux trois bonnes discussions sur le foot suffisaient à ravir tout le pays.
Une petite bière de temps à autre, ou une bouteille de vin, ou une bonne beuverie constituaient la cerise sur le gâteau.
Mais voilà que peuple heureux, trop heureux, réalisa grâce au waswess khanness de Iqra et compagnie qu'il fallait justement qu'il approfondisse ce bonheur en creusant un peu plus vers le ciel.
Il décida alors de sacrifier un peu de ce bonheur insoutenable (l'expression est empruntée à Ira Levin, du titre de son livre) afin de mieux le mériter.
C'est ainsi qu'entre deux grossièretés au bon vieux café, vinrent s'immiscer entre la première chicha et la troisième chkobba deux paroles d'évangile puisée dans les sources non coraniques mais y ressemblant. Je dis non coraniques car il est rare que nos chichistes et nos ramistes et chkobbistes eussent jamais appris un seul verset coranique. Mais ils défendent ce qu'ils ne connaissent pas avec une virulence extrême, ils y mettent leur honneur, le sang de la belote, les larmes finies du noufi à pari défendant. Non on ne touche pas à la parole sacrée que nul ne connait, n'a lue mais dont on a entendu parler, tel un saint graal que personne ne se fatiguerait à chercher.
On reproche souvent à notre pays de lésiner sur l'information, de prétendre que tout va bien.
Mais en réalité, ce n'est pas une déformation de l'information, tout le monde va bien.
Ils étaient trop heureux, ils ont sacrifié à la mode de la parole divine, ils ont pris de la profondeur, ils méritent leur bonheur, ah cet homme tunisien merveilleusement accompli qui construit sa maison, gagne bien sa vie, vainc au rami et a sincèrement l'intention, dans dix ans, d'abandonner la beuverie et d'aller louer Dieu se déplaçant du fond de sa Tunisie à la superficie de la Mecque, pèlerinage nettoyant, Monsieur Propre Salle de Bain, homme parfait que tu es, toi, qui as tout, travail, foyer, femme au foyer, deux trois versets incomplets et ta revanche au rami, tu la tiens ta vie, ta vie d'homme heureux, trop heureux.

Et les reste est littérature.

lundi 7 juin 2010

Ondes et ondines

Il arrive de temps à autre, quand par lassitude des petites et grosses déceptions de la vie, que j'amarre la bateau qu'est ma vie à un port de passage pour l'y reposer.
On croit à tort que certaines de ses brisures peuvent être réparées à ces ports, ce n'est pas là le dessein; en réalité, le spectacle est assez époustouflant.
à bord du navire on voit les marins, ces gens que l'on rencontre tout au long de la vie et qu'on prend avec nous, bon gré, mal gré, à bord de ce navire qu'est la vie. Et tous ces marins s'agitent ou s'endorment à mesure que l'on les oublie ou qu'on les dépasse, à mesure qu'ils nous survivent ou qu'ils trépassent.
Dans les caisses du navire, les objets qu'on amasse, vains objets, précieux objets qu'à la fin on abandonne sur le port ou que l'on casse.
Dans la cale, les enfants que l'on a été, dans la cale qui rament sur les flots géants et les ondes tristes, de leurs petites mains, bras surfaits et genoux écorchés et tiennent la rame et poussent le bateau.
Et les rêves et désirs qui gonflent les voiles, s'accrochent au vent, bombent le torse ou vous tournent le dos, transportent la vie et aident l'enfant qui rame son âme au fond du bateau.
Mais à ce havre de paix, souvent, sitôt l'équipage reposé, l'espoir s'ennuie et crie à la cale d'embrasser la flamme et rouler sur l'eau, l'enfant à la rame, le désir aux fourneaux, les rêves à la voile au port tournent le dos.
Sur ondes et ondines, je suis le bateau qui revire et chavire volant dans les flots. 
L'enfant dans ma cale regarde la voile qui se gonfle de sa rame et le porte si haut.
Le bois de ma vie je l'ai fait de ma peau, de mes joies, mes envies, mes ratés et râteaux. 
Au port que je quitte je vois les bateaux qui, rarement quittent le port vers l'eau.
Tristes navires aux mats nus, qui regardent les voiles qu'ils n'ont jamais connues.
Tristes navires qui jamais ne chavirent ni ne prennent l'eau. Les pires de mes nuits et les amours endeuillées ont une joie de vie dans le plus sombre des flots que jamais de la vie ne connaitront ces bateaux.
Ondes et ondines, recevez le bateau dont le bois est ma peau.
L'enfant qui rame siffle une cantine qui grimpe aux mats et souffle à la voile: hymne à la vie qui s'empare des mots, rêves et brisures, vogue le bateau sur...

Le reste est littérature.


jeudi 3 juin 2010

Des intérêts et désintérêt des épouses.

Vu sur FB l'autre jour une jeune femme qui avait marqué comme Interests: Mousalsal Assi (pour ceux qui n'ont pas de grand-mère, c'est un soap opéra turque qui ne raconte rien à part des amours contrariées et des maisons à grands tapis) et, je cite, "lire des livres de religion".

Parfait, elle fera une excellente épouse.

Et le reste?
Quels restes?

Le reste est littérature.

mercredi 2 juin 2010

Les sans papiers.

Le livre en Tunisie est sans lecteurs. L'article paru dans La Presse n'a fait que confirmer par des chiffres ce que l'on savait déjà.
Combien sont-ils déjà à vous avoir dit fièrement "tu sais, je n'ai jamais lu un seul livre de ma vie!" ou "tu sais, je n'ai plus lu aucun livre depuis le primaire"
Mais pourquoi en sont-ils si FIERS?


Les tunisiens lisent de moins en moins. Sans lecture, sans culture c'est notre identité toute entière qui est menacée car nous n'avons pas assez de recul, assez de bagages pour la défendre contre l'invasion des intégrismes et endoctrinement en tous genres (islamistes, prosélytes chrétiens, etc.)

Mais ce que l'on sait moins c'est que le livre en Tunisie est aussi sans papier.

Le papier souffre en Tunisie d'une hausse de prix si considérable que certains de nos éditeurs militants pensent renoncer à l'édition, d'autres y ont déjà renoncé.

Nous allons de plus vers une société dont les individus évoluent sans papier, sans identité.

Sans papiers d'identité.

Nous devenons des sans-papiers chez nous.

Et le reste est littérature.