lundi 7 juin 2010

Ondes et ondines

Il arrive de temps à autre, quand par lassitude des petites et grosses déceptions de la vie, que j'amarre la bateau qu'est ma vie à un port de passage pour l'y reposer.
On croit à tort que certaines de ses brisures peuvent être réparées à ces ports, ce n'est pas là le dessein; en réalité, le spectacle est assez époustouflant.
à bord du navire on voit les marins, ces gens que l'on rencontre tout au long de la vie et qu'on prend avec nous, bon gré, mal gré, à bord de ce navire qu'est la vie. Et tous ces marins s'agitent ou s'endorment à mesure que l'on les oublie ou qu'on les dépasse, à mesure qu'ils nous survivent ou qu'ils trépassent.
Dans les caisses du navire, les objets qu'on amasse, vains objets, précieux objets qu'à la fin on abandonne sur le port ou que l'on casse.
Dans la cale, les enfants que l'on a été, dans la cale qui rament sur les flots géants et les ondes tristes, de leurs petites mains, bras surfaits et genoux écorchés et tiennent la rame et poussent le bateau.
Et les rêves et désirs qui gonflent les voiles, s'accrochent au vent, bombent le torse ou vous tournent le dos, transportent la vie et aident l'enfant qui rame son âme au fond du bateau.
Mais à ce havre de paix, souvent, sitôt l'équipage reposé, l'espoir s'ennuie et crie à la cale d'embrasser la flamme et rouler sur l'eau, l'enfant à la rame, le désir aux fourneaux, les rêves à la voile au port tournent le dos.
Sur ondes et ondines, je suis le bateau qui revire et chavire volant dans les flots. 
L'enfant dans ma cale regarde la voile qui se gonfle de sa rame et le porte si haut.
Le bois de ma vie je l'ai fait de ma peau, de mes joies, mes envies, mes ratés et râteaux. 
Au port que je quitte je vois les bateaux qui, rarement quittent le port vers l'eau.
Tristes navires aux mats nus, qui regardent les voiles qu'ils n'ont jamais connues.
Tristes navires qui jamais ne chavirent ni ne prennent l'eau. Les pires de mes nuits et les amours endeuillées ont une joie de vie dans le plus sombre des flots que jamais de la vie ne connaitront ces bateaux.
Ondes et ondines, recevez le bateau dont le bois est ma peau.
L'enfant qui rame siffle une cantine qui grimpe aux mats et souffle à la voile: hymne à la vie qui s'empare des mots, rêves et brisures, vogue le bateau sur...

Le reste est littérature.


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